TU ES PERFECTION,

VERS OCTOSYLLABIQUE

Avec l'aimable autorisation d'Olivier Salon : lecture oulipienne de janvier 2006

On a déjà tant dit quant à l’alexandrin

Que je voudrais ici le voir en malandrin.
Il est d’abord trop long, il s’allonge il s’étire
Et ne peut parvenir à achever son dire
Sans se voir obligé de se couper en deux
Et de nous présenter son aspect hasardeux.
Ailleurs il en est un qui ne va comme un crabe
Savez-vous, j’ai nommé le bel octosyllabe.
Muni de ses huit pieds, le voici devant vous
Fier comme Artaban, élégant comme un fou
De Bassan ou d’ailleurs, tout heureux de ses lettres,
De ses nombreux atours et de ses nobles mètres.
Huit ? Deux fois deux fois deux. Ou deux puissance trois,
Il n’y a que du deux, voilà qui est adroit
Et qui laisse augurer d’une belle prestance
Et certainement pas la moindre suffisance.
On y sent approcher une perfection
Et l’on est bien sensible aux adorations
Que va nous procurer ce vers si peu austère
Ce vers direct et franc, joyeux et lapidaire,
Qui ne s’épuise pas en traînant en longueur
Mais qui va droit au but, enfin quel vrai bonheur !
Par sa longueur sensée il nous réjouit l’oreille
Il est simple et précis, rond comme groseille,
Et le rythme assuré par ce huit élégant
Est vif et saccadé, parfait assurément.
Il permet d’enchaîner les vers huit syllabiques
Sans s’encombrer de pieds en trop pléonastiques
Pieds idiots superflus, pieds qui traînent les pieds
Pieds absurdes et vains, pieds pour presse-papiers.
L’enchaînement paraît naturel et limpide
Et la pensée y court comme en un ciel liquide.
Couper en son milieu paraîtra donc bien sot
Puisque cette longueur est celle d’un sanglot ;
On pourra le penser trois et cinq, quatre et quatre
Six et deux si l’on veut, pourquoi donc en débattre ?
Les idées fuseront et permettront bientôt
D’asseoir chez l’auditeur leur convaincant propos.
Pourquoi faire si long quand aussi bien suffisent
Les deux tiers de mon tout, je veux qu’on se le dise !
Il n’y a rien de mieux que l’octosyllabique
Cornegidouille, zut, zut et crotte de bique !