Sonnet sans titre


Donné en fait ultérieurement par Luc Etienne pour le véritable et seul authentique sonnet à trois sens d'Adoré Floupette. Comme vous pourrez le constater, deux des trois sens sont nettement "apparents", toujours selon Luc Etienne .Voici ce poème :

Se mémore mon âme une glauque fragrance
Emmi les noirs cruors d'un pertuis flexueux
Qui dans I'oaristys hallalise, onctueux,
Les glis de mon gnomon dans sa synchrone allance.

Vénuste, acuminant la vernale étirance,
Le sadinet pelu, d'un geste habitueux,
Fait grisoller I'iynge à l'orbe fastueux.
Que semble ramoitir l'algide liquescence

Effusant un vortex plein de dicacité
La sardoine* défloque en sa flaccidité
Et le callibistry s'illune de moirures

Quand sur l'algue nitide à l'éclat hyalin,
En la flache où s'irise un reflet zinzolin
Fulguramment s'éperle un flamboi d'ocellures.

*l'original indique sardine, mais la correction d'auteur est bien sardoine

Note du rédacteur : Après de nombreuses études complémentaires il a été avéré qu'il s'agissait d'un document apocryphe signé par un homononyme de Luc Etienne ou d'un individu se faisant pour lui passer. Il n'en demeure pas moins que le troisième sens demande toujours à être décrypté et que toute indication peut être donnée via ma boite aux lettres

Limericks

Les limericks ne sont pas une spécialité de Luc Etienne. Il s'est cependant exercé à cet art, irlandais d'origine, qui se veut tapageur et obscène, n'exige pas forcément un sens et semble inexportable et intraduisible !
Ses limericks parurent à dix ans d'intervalle :
* 19 Limericks, précédés d'une lettre de l'auteur à un éditeur, d'une introduction inachevée et d'un postcriptum, suivis de 19 limericks de Rittener. Paru à Oleyres, aux Editions du Centre de recherches périphériscopiques en 1984

*19 Limericks inédits in Monitoires du Cymbalum Pataphysicum n°27, vulg 1993. Etonnamment les Monitoires annoncent 44 limericks, mais n'en donnent que 19 dont quelques exemples suivent :

Le célèbre Vaudois Ramuz
Ayant pour rajeunir sa muse
Choisi à l'Opéra
Un joli petit rat
Avouait " Ce petit rat m'use"


Près des falaises d'Etretat
"Mon oncle" Tati convoita
Une jeune tante des plus exitantes
"Tati t'as t'y tâté tata"

 

Si elle a des spasm's cette fill' de Spa,
Est-c'pas pasqu'ell's'pâ...me et qu'ell' peut pas s'pa-
sser d' certains fantasmes
Producteurs d'orgasmes ?
Espac' tes orgasm's et tes spasm's à Spa ! "

 

La grande reine Cléopâtre
D'un pasteur devint idolâtre
Pour fair' partager Sa couche au berger
Ell' donna sa clé au ... bellâtre.

 

Un vertueux et chaste époux
Par pudeur s'lavait pas beaucoup
Sa femme, la méchante
Lui dit : " Si ça te chante,
Sois vertueux, mais chass' tes poux !

 

" Je ne suis pas un prix d'beauté,
Y a mieux, pour la vénusté !
Mais ma gueul' m'dérang' guère
J'la vois pas, j'suis derrière
J'm'en fous, moi, j'suis du bon côté ! "

Le jeu des sornettes à sonnettes

Deux jeux réciproques l’un de l’autre et vice-versa inventés par le Régent de Contrepet Luc Étienne. Bien qu’ils ne soient peut-être pas sans rapport avec la Contrepèterie, le Régent a cru devoir sacrifier pour ces jeux nouveaux à l’esprit traditionnel du genre contrapétique, qui, comme on le sait requiert communément l’obscénité. Figurent cependant, marqués d'un astérisque, quelques (rares) exercices à la portée des oreilles prudes.

Asphyxie : en asphyxiant un texte, c’est-à-dire en le privant d’R, on obtient un autre texte qui est dit anaérobie du premier, et dont le sens peut être fort différent. Notons que l’asphyxie est non pas graphique, mais phonétique de tous les R, on ne supprime que ceux qui se prononcent ainsi prêcher donnera pêcher et non pas pêche.

Exemples

Le bel Armand a fait sursauter l’arbitre.

L’argent ne fait pas le bonheur.
La vraie nurse de Milord l’Arsouille*…
Ces artères exigent que je traite votre cœur.
Quels propos tinrent ces barbares.
La nurse de la belle grosse est toute rusée.
Cette rosse amorale a fait crouler la salle ivre.
Ne vous écroulez pas dès qu’on vous en parle.
coeur.gif (4940 octets)

 

Aération : en fournissant à un texte anaérobie autant d’R qu’il est nécessaire, on obtient un nouveau texte dit aérobie du premier.

Exemples
Ne faites pas la gaie, faites la moue !
Que cachez-vous dans la haie au Benoît* ?
Ne faites pas sécher vos houppettes su’ ma haie !

N.B. : au lieu de priver un texte d’R, à la mode des Martiniquais ou des Incoyables, on peut lui rogner les L, et d’une façon générale jouer à ces jeux en choisissant, au lieu de R, la lettre qu’on voudra.

 

Exercice sur le style : SORNETTE RIMBAUD

ARDENNES-ADEN
Arthur, survit ta lyre… Quel viril ami, quels élans de cœur dans ces drames en Ardenne ! Quel cruel Roche, et quelles langueurs dans l’âme inerte ! Mais quel manque d’or dans cette Ardenne. De l’or, il faut de l’or. L’est bien loin, hélas, quand il faut cela,
Verlaine.

Pour comprendre la sornette qui précède, il faut s’être intéressé an moins un peu à la vie de Rimbaud. Ce n’est certes pas à des pataphysiciens qu’il est nécessaire d’en rappeler les détails : ils savent depuis longtemps, ne serait-ce que par le Cahier 17-18, que la mère d’Arthur, la " daromphe ", se prénommait Vitalie, qu’elle était prude et regardante ; qu’elle possédait une ferme à Roche (Ardennes), à deux kilomètres de la rivière d’Aisne. Ils n’ignorent pas non plus, bien sûr, les amours orageuses de Rimbaud avec Verlaine, ni ses relations ultérieures avec des femmes indigènes dans les régions desséchées d’Aden ou du Harrar… (" Ha Ha ", eût ici commenté compendieusement Bosse-de-Nage ; et il ne se fût point perdu dans des considérations plus amples.)

Il est certain que transformer joue en jour, ballon en bras long, otage en autre âge (et vice versa) ne présente qu'un intérêt, certes d'estime parce que j'en suis l'auteur, mais limité par rapport à
"Le bel Armand a fait sursauter l'arbitre" ou "Ne faites pas la gaie, faites la moue" de Luc Etienne. De nombreux exemples sont extraits de publications de Luc Etienne ( Le Figaro des 31/7 et 1/8/76) par Michel Laclos ou figurent dans l'Atlas de Littérature potentielle . Publicités gratuites car "l'argent ne fait pas le bonheur"(voir plus haut)

Quelques exemples
Ne vous écroulez pas dès que l'on vous en parle
La vraie nurse de Milord l'arsouille
Que cachez vous dans la haie au Benoît

Selon Luc Etienne on peut généraliser le jeux en privant un mot de n'importe quelle lettre. Il propose sans donner d'exemple de rogner les L .

Pourquoi pas Ulm clé ville !

Trio des paradoxes

Une amusette musicale, posée par Luc Etienne, ingénieur du langage, mathématicien et musicien, dans la revue Le Petit Archimède n°59-60 (1979)

 

Les conditions dans lesquelles ce trio a été enregistré permettent de poser un petit problème de logique (du genre de ceux où on demande de trouver le nom du mécanicien, sachant, entre autres, " qu'il bat monsieur Dupont au billard ", ou encore, " la date de la bataille au cours de laquelle la pertuisane fût enterrée, et, si on est fort en histoire, l'âge du capitaine qui y laissa la vie ").


Les trois parties instrumentales de ce morceau - le piano, le violon et l'alto - ont été jouées et enregistrées par deux personnes seulement, grâce à un procédé de superposition sonore sur bande magnétique. Celui qui a enregistré le violon avait quatorze ans de plus que celui qui a enregistré l'alto, bien qu'il s'agisse d'une seule et même personne. L'altiste et le planiste enregistraient simultanément dans la même salle, mais bien que le violoniste ait enregistré, lui aussi, dans cette même salle il était éloigné du pianiste, de plusieurs milliers de kilomètres (6 000 environ à vol d'avion peut-être même près de 20 000)

 

Il s'agit de musique classique nullement polytonale par conséquent. Et pourtant, bien que l'altiste et le pianiste jouassent les notes écrites par le compositeur dans la tonalité de mi bémol majeur, le violoniste lisait les notes écrites dans la tonalité de fa majeur, sans avoir à transposer. On demande :

1. d'expliquer ces trois paradoxes temporel, spatial, tonal.
2. si l'on est suffisamment mélomane, de dire de quelle œuvre musicale il s'agit.

 

 

 

 

Voulez-vous voir la solution ?

 

 

 

 

 

 

Ce sont, nous dit-on, le violoniste et l'altiste qui sont cette même personne. Elle avait, quand elle a enregistré le violon, quatorze ans de plus que quand elle a enregistré l'alto. En d'autres termes elle a enregistré la partie de violon quatorze ans avant celle d'alto. Mais, nous dit-on, elle l'a enregistré dans la même salle. C'est donc le pianiste qui, pendant ce laps de temps, s'est éloigné de plusieurs milliers de kilomètres. Reste à tirer au clair le paradoxe tonal. Rappelons d'abord qu'en règle générale les instruments de musique donnent les notes écrites par le compositeur et lues par l'instrumentiste. Il n'en va autrement que dans quatre cas :

  • quand l'instrumentiste " transpose ", c'est à dire quand il décale d'un même intervalle toutes les notes qu'il lit, soit vers le haut, soit vers le bas
  • quand il s'agit d'un instrument à vent dit transpositeur. (Le cor anglais par exemple, est un instrument transpositeur en si quand l'exécutant lit un do, il fait entendre en réalité un fa ; toutes les notes soutient une quinte Juste plus bas qu'elles lie sont écrites)
  • quand l'accord habituel de l'instrument est volontairement modifié comme par exemple dans le cas de la scordatura des instrumentistes à cordes
  • quand l'instrument est accidentellement désaccordé

Dans le cas qui nous occupe, puisque le morceau est tonal, le violoniste joue, comme l'altiste, dans le même ton que le pianiste c'est-à-dire en mi bémol majeur. S'il lit une partie écrite en fa, c'est que cette partie n'a pas été écrite pour le violon, mais pour un instrument transpositeur. Le compositeur ayant dû écrire un fa Pour obtenir en réalité un mi bémol, et par conséquent un do pour obtenir un si bémol, l'instrument en question est en si bémol.

Mais le violon, lui, n'est pas un instrument transpositeur, et il est bien précisé que le violoniste n'a pas à transposer. Il devrait donc, ici, jouer un ton trop haut. S'il n"en est pas ainsi c'est qu'il a pris la précaution d'accorder son violon un ton trop bas : fa, do, sol, ré au lieu de sol, ré, la, mi.

Le mélomane n'aura aucune peine à identifier le morceau en question, sachant qu'il est écrit pour un piano, un alto et un instrument à vent en si bémol, car une seule œuvre connue répond à ces conditions. Le trio " des paradoxes " n'est autre que le célèbre trio " des quilles " de Mozart, l'un des trois admirables ouvrages écrits par lui pour la clarinette. Le trio pour piano, clarinette, et alto, en mi bémol majeur, KV 498, fut composé, dit-on, au cours d'une partie de quilles en plein air dans le jardin de ses amis Jacquier, à Vienne, le 5 août 1786. (Mozart, on le sait, composait "de tête"). Une fois l'œuvre terminée, il avait l'extraordinaire faculté de la contempler dans son ensemble, de façon instantanée, comme un peintre contemple la toile qu'il vient d'achever. Par une astuce de l'éditeur Artaria, désireux d'attirer le plus grand nombre de clients, la première édition présente le trio des quilles comme écrit " pour piano, violon et alto, la partie de violon pouvant aussi s'exécuter avec une clarinette ".En réalité, c'est bien évidemment l'inverse, écrivent avec raison les Massin, l'œuvre est écrite pour la clarinette.

L'enregistrement a été commencé en 1964à Reims par Ross Chambers et Luc Etienne qui ont joué ensemble la partie de piano et celle d'alto. La bande magnétique ayant été enfouie fut remise au jour en 1978 et l'enregistrement complété par Luc Etienne jouant au violon la partie de clarinette en "duoplay". Si Ross Chambers pianiste mais également clarinettiste avait pu compléter dans la version originale, c'eût été assurément préférable, mais le 27 juin 1978 il était probablement à Ann Arbor (Michigan) où il enseigne la littérature française à l'université, à moins qu'il ne fût déjà en vacances à Sidney.

" Il est bâclé cet enregistrement !" s'écriera-t-on sans doute avec raison en l'entendant. " Bâclé en quatorze ans, quel paradoxe !" Un quatrième paradoxe ! Ainsi donc, comme "les trois mousquetaires" ils forment un quatuor, les paradoxes de ce trio de paradoxes. Nouveau paradoxe ! Mais alors, ils constituent un quintette, les paradoxes de ce quatuor ? Encore un paradoxe !" Et ainsi de suite, voyez-vous bien" ne manquerait pas de dire ici, comme dans Ubu cocu, Achras l'éleveur de polyèdres [sic], et, sortant de sa malle, la conscience du Père Ubu.

Luc Étienne

Post scriptum : dans une lettre du 19 juin 1984, adressée à Cabu, Luc Étienne revint sur les conditions d'enregistrement de ce trio Joël Martin est venu chez moi jeudi et vendredi derniers pour faire de la musique de chambre. Il a joué admirablement à la clarinette le trio des quilles et le quintette, deux œuvres parmi les plus belles de Mozart. Ne pouvant me joindre aux exécutants (toujours ma vue) j'ai enregistré cette réunion improvisée, qui a eu des moments magnifiques. Le vendredi Joël Martin a terminé un enregistrement du trio des quilles commencé en… 1 966 (sic) J'avais enregistré alors celle d'alto, et l'australien Ross Chambers celle de piano. Joël Martin a complété en ajoutant celle de clarinette, sans que rien puisse déceler cet intervalle de dix-huit ans

Bouts rimés

Luc Etienne fut un spécialiste du genre avec quelques monuments : il s'agit d'utiliser des rimes imposées sur un sujet qui ne l'est


IMMINENCE DÉSAGRÉABLE

Sujet donné : le service militaire, sur les rimes du " sonnet des voyelles " de Rimbaud.

Ooo ! aaa ! iii ! telles sont les pleurardes
Qui libèrent en moi les tristesses
Déjà, j’entends sonner les strideurs
Qui bientôt jailliront des trompettes
 

Voyelles

latentes
éclatantes
cruelles.

     
Au signal il faudra bondir hors de la
Ramper au jour levant sur d'humides
Les yeux fermés encor sur des formes trop
Et rêvant aux seins durs des jeunes
  Tente
Ombelles
Belles
pénitentes
     
Parcourir en troupeau les campagnes
Sans réussir jamais à détendre les
Qu'impriment les soucis à mon front
  virides
rides
studieux
     
Je sais qu'il nie prendra des colères
Que, dans sa nudité trouble de mauvais
Triste, nie sourira la révolte aux doux
  étranges,
ange,
yeux.

 

LE CONQUÉRANT IMMOBILE

Sujet donné : la paix des champs, sur les rimes des " Conquérants " de Hérédia.

J'aime entre tous pays mon Neuflize
Ses maisons aux murs blancs, ni hautes ni
Qui n'ont pas vu grandir de fameux
Et semblent se moquer du noir progrès
 

natal,

hautaines,
capitaines,
brutal.

     
Après avoir peiné pour quelque vil
Je viens m'y reposer, des villes si
Dans l'herbe je m'étends. Tout un peuple
M'entoure, m'isolant du monde
  métal,
lointaines.
d'antennes
occidental.
     
Je rêve lentement de voyages
Orages périlleux, chasses sous les
Puis retour triomphal, luxe, palais
  épiques :
tropiques,
doré.
     
J’ai ramené d'or pur trois blanches
Non, mais je suis heureux, dans ce monde
Et je n'ai pas besoin, moi, d'étoiles
  caravelles
Ignoré,
nouvelles.

 

 

Sonnets à triple sens d'Adoré Floupette

poète décadent redécouvert et expliqué par Luc Etienne

(d'après des travaux de Marius Tapora)voir également Sonnet sans titre

Les Nymphes
extrait de "Déliquescences"

 

Nymphes qui défendez les secrets de cet antre,
Emprès vous un beau fruit, en sa jeune rondeur,
Se gonfle et se durcît, chaud d'une rouge ardeur,
Quand le feu de Cypris en dévore le centre.

En cet humide val oncques nul soleil n'entre.
Un bois touffu l'enclost, à la grisante odeur.
Minette, fais-moi voir des nymphes la splendeur,
Que sur elles bandant mon nerf je me concentre !

Vous reçûtes, hymen, l'honneur de jolis noeuds
On vit en cet endroit de grands corps caverneux
Voici les sombres bords où croit la caroncule.

Quoi nymphes, vous pleurez ? Azur pur de souci,
Vrai ciel ! Et d'un effort franchi le vestibule,
Pan, le grand Pan, s'élance en un éclaboussis.

PREMIER SENS : INTERPRÉTATION DE L’HOMME DU MONDE

Ce sonnet ressortit au genre de l'églogue mythologique. Son sens est parfaitement clair : les nymphes, ces divinités des fontaines et du bois, gardent les secrets du sanctuaire qui leur est consacré, ou nymphée, et qui était habituellement un antre, c'est-à-dire une grotte, précédée le plus souvent d'un vestibule orné de colonnes. Le sein de ces jeunes filles belles et bien faites est comparé à un beau fruit rougissant, quand la vue de quelque Joli berger les point d'un émoi virginal sous l'influence de Cypris (1), qui soumet le monde entier à ses lois.

La grotte consacrée aux nymphes se trouve dans un vallon sombre plein de sources et de fontaines, au sein d'un bois épais où l'on respire l'odeur troublante des feuilles mortes. C'est Eros qui s'adresse à l'une des nymphes, du mm de Minette : le fils d'Aphrodite veut bander le, nerf qui tend son arc et se concentrer pour bien viser, de façon à atteindre de sa flèche la nymphe dont la splendeur est la plus grande.

Dans le premier tercet, le poète parle de ces mariages légers contractée par les nymphes avec des divinités champêtres : faunes, satyres ou chèvre-pieds. Les noeuds de l'hymen sont jolis, car ils sont faits seulement de jeux et de plaisirs, sans avoir la lourdeur des chaînes qui reliant las pauvres humains. Le poète a pu penser aussi à ces noeuds de tissu blanc léger qui ornaient lors de ces païennes hyménées les cheveux des nymphes et les cornes des oegipans, comme ils décorent de nos jours les lanternes des voitures et le fouet des cochers d'un grand mariage moderne. Les grande corps caverneux évoquent -avec quelle discrétion ! - les longues nudités blanches aperçues dans l'obscurité de la caverne, au bord de laquelle croit la caroncule, plante des terrains humides.

Dans leurs jeux avec las satyres, parfois Interrompus par le dieu Pan, dont l'aspect effrayant déclenchait chez elles une terreur panique, les nymphes passaient en un instant du rire aux larmes.

Mais qu'elles n'aient plus de crainte ! Le dieu redoutable, le grand Pan, vient de sortir de la nymphée, et le voici qui plonge dans la fontaine proche reflétant l'azur du ciel, dans un grand éclaboussement d'eau.

Le poète a visiblement pastiché Ronsard; emploi de mots ou de formes archaïques : emprès, oncques, enclost, utilisation de la mythologie grecque, imitation des Anciens allant de pair avec un sentiment direct et sincère de la nature.

On ne s'étonnera pas, dans ces conditions, que le mot nymphes figure trois fois dans le poème, en dépit de Boileau, lequel, dès 1674, interdisait que dans le sonnet

- ... un mot déjà mis osât s'y remontrer. "

Dans un pastiche de Ronsard cette licence est toute naturelle, rares sont en effet les sonnets du gentilhomme vendômois qui ne tiennent pas de répétitions de mots : elles n'étalent pas condamnées à l'époque.

Signalons encore la mélodieuse et très douce liaison : " Vous reçûtes-z-hymen ... ", manifestement inspirée du vers de Phèdre

Vous mourûtes aux bords où vous fûtes laissée.

BARON LAPITRE DE MONTRIBIER

(1) Cyprla ou Kypris était l'un des avatars d'Aphrodite déesse de la beauté, de. la fécondité, et de l'amour (Note du Baron L. de M.).

DEUXIEME SENS : INTERPRÉTATION DU SAVANT JOURNALISTE : INTERPRÉTATION DU SAVANT JOURNALISTE

Un naturaliste, accompagné de son assistante qu'il surnomme familièrement Minette parce qu'elle est d'une grâce féline (pour être homme de science on n'en est pas moins homme ! assiste à la naissance d'un papillon, le Grand Paon de nuit (2), après sa réclusion quasi mortuaire dans une nymphe cavernicole. Las nymphes ou chrysalides, sont, on le sait, ces étranges momies - parfois enveloppées, en guise de bandelettes, d'un cocon de soie - qui chez les Insectes représentent le stade Intermédiaire entre la larve et l'insecte parfait.

Mais prenons-y garde : il s'agit d'un sonnet symboliste ; ces nymphes immobiles et endormies ne sont que l'image de nos êtres obstinément larvaires. Or nous devrions avoir en nous le désir d'atteindre l'état adulte et de nous élancer, ailes déployées, comme le papillon vers l'azur, vers les régions éthérées auxquelles notre âme aspire

Papillon_.gif (5253 octets)

Les nymphes hiératiques semblent garder l'entrée de la caverne. mais la vraie vie n'est pas là . Pleine tel un beau fruit, elle se gonfle comme le thorax d'une chrysalide aux premières tiédeurs du printemps, ou comme le sein d'une vierge pudique qui ressent les premières atteintes de l'Amour.

L'humide val où jamais le soleil n'entre, c'est notre existence, cette vallée de larmes. Le bois touffu, c'est le cocon qui entoure la chrysalide à l'odeur musquée, mais c'est surtout le monde des. apparences qui, selon Platon, nous cache le monde des réalités. Le naturaliste demande à son assistante d'écarter le cocon et de lui montrer les nymphes quelle vient de découvrir, afin de mieux réfléchir sur leur secrète essence, en bandant toute son énergie nerveuse sur cette méditation.

Le premier tercet contient une nouvelle allusion à Platon (allégorie de la Caverne, Rép. VII 1 à 3) : les grands corps caverneux sont les ombres projetées sur les murs de la caverne démesurément agrandies et qui symbolisent les images fallacieuses du monde des apparences.

L'hymen aux jolis nœuds " est l'union harmonieuse de l'âme et du corps, mais pour les larves que nous sommes, il ne reste plus rien, une fois éteint le feu de ces hyménées Iumineuses, si nous restons sur les humides bords d'une existence insuffisamment rIche de spiritualité.

Comme le prisonnier de la caverne libéré de ses chaînes ou comme le papillon nocturne délivré des liens et de l'enveloppe chitineuse de la chrysalide, l'âme doit, selon Platon, s'affranchir du souci de son corps et de la servitude où il la maintient pour arriver à la contemplation de la vérité.

Comme eux, elle sera d'abord éblouie et comme éclaboussée de lumière - mais ayant échappé à cette vie larvaire et baignée de larmes, elle s'envolera d'un coup d'ailes vers l'azur lumineux pur de nuages, c'est-à-dire vers le monde des Idées.

Notons que si Floupette écrit le grand Pan pour le Grand Paon. Il ne s'agit pas d'une faute d'orthographe, mais d'une confusion métaphorique préméditée entre le grand papillon nocturne et le dieu puissant qui symbolise l'élan vital et sollicite de nous l'acceptation enthousiaste de notre humaine destinée.

Par contre c'est une erreur inadmissible d'avoir fait une plante de la par confusion involontaire avec la cardamine et la renoncule : la caroncule est une excroissance charnue de certains animaux (comme les chenilles) ou le renflement qui entoure le hile de certaines graines (ricin, haricot).

Pour un poème symboliste, ce sonnet est, on le voit, fort clair. Il ne contient en effet à part éclaboussis, aucun néologisme, et aucun de ces mots rares et abscons, tels que brasiller, clangorer, latence, fongosité, labile, renacescent, qui rendent si souvent difficile la lecture de ces écrits. La syntaxe est, elle aussi, remarquablement simple, à l'exception de ce tour assez mallarméen : d'un effort franchi le vestibule, qui n'est après tout qu'un ablatif absolu.

ZÉPHYRIN BRIOCHÉ
(de l'Académie de Lons-le-Saunier)

 

Notes :

(1) Le professeur Brioché était-il bien de ces journalistes auxquels pensait, Adoré Floupette ? Nous n'en sommes nullement persuadé. Mais, comme il l'a dit. Marius Tapora n'avait pas la choix.

(2) Saturnia pyri, c'est le plus grand lépidoptère d'Europe : Il atteint 14 et même 15 centimètres d'envergure . (Note du Professeur Brioché)(*)

3) Que nos jeunes entomologistes ne se hâtent pas de crier à une erreur de leur savant "ancien" : en 1891 Saturnia pyri était bien le plus grand - Attacus cynthius ou Philosomia cynthia, nommé à tort bombyx de l'allante, si commun maintenant dans la région parisienne, est originaire de l'Asie orientale et n'a été introduit chez nous que plus récemment, en même temps que l'allante glanduleux, improprement appelé vernis du Japon, grand et bel arbre qui sert, malgré l'odeur forte et peu agréable de ses fleurs, à la plantation de nos avenues.

Note du rédacteur : comme souvent, chez Adoré Floupette, le troisième sens semble ésotérique par son herméticité tourmentée. Certains chercheurs comme le docteur Letuber se sont orientés, peut-être à tort, vers des explications naturalistes, voire anatomo-pathologistes ou sensualistes, compte tenu d'un vocabulaire d'une technicité hardie et spécifique. La question mérite réflexion.

Musique

HOMOPHONIE

Queneau (Raymond), très haut Pape, l'a répété :

Que nos raies, montrées aux papelards, aient pété.

QUENEAU EN MUSIQUE

Luc Étienne a mis en musique de nombreux poèmes de Raymond Queneau, en particulier " Le Porc ", qui fait partie du recueil " Battre la campagne " (Éditions Gallimard, 1968), dont la partition a été éditée en 1975 par Heugel et Cie.


LE PORC (la musique arrive sous peu)

1. Le porc est un ami de l'homme
il lui ressemble énormément
pour des dents on le dit tout comme
aussi point de vue aliments
   4. on te suspend par les deux pieds
on te laisse le cou coupé
hurler hurler hurler hurler
toute une longue matinée
         
2. le porc est un ami de l'homme
on l’égorge communément
Il saigne sans nulle vergogne
on se régale de son sang
  5. et lorsqu'enfin tu es bien mort
on se réjouit du bon boudin
que l'on extraira de ton corps
et voilà, porc, quelle est ta fin
         
3. goret animal adorable
et gracieux lorsque tu deviens
quelque chose de consommable
on oublie ton charme enfantin
  6. pour toi point d'autres funérailles
tu dormiras pas allongé
en gardant pour toi tes entrailles
et tes jambons bien enterrés.

Biblio Luc Etienne

 

Luc Etienne : Ingénieur du langage

  • dossier réuni par Nicolas Galaud et Pascal Sigoda) Au Signe de la licorne (1998).

Etudes ou hommages :

  • Expectateur n°3 du 15 décembre 1999 (Collège de 'Pataphysique)
  • Revue des Amis de La Grive n°160 ,printemps 2001, Charleville-Mézières.

Bibliothèque Oulipienne

  • L'art du palindrome phonétique, Bibliothèque Oulipienne, N° 27, 1984.
  • La redondance chez Mond Neau, Bibliothèque Oulipienne, N° 4, 1977.
  • Ce repère Perec.

Oeuvres originales

  • L'Art de la charade à tiroirs : petit traité pour en fabriquer soi-même... Livre de poche. 1972. (Jean-Jacques Pauvert 1965)
  • L'Art du contrepet : petit traité à l'usage des amateurs pour résoudre les contrepèteries proposées et en inventer de nouvelles... Livre de poche. 1972. (Jean-Jacques Pauvert 1957)
  • L'album de la Comtesse Pauvert 1967
  • Le nouvel album de la Comtesse Stock 1979.
  • Initiation à la contrepèterie, Cahiers du Collège de 'Pataphysique n° 19 et 21.
  • Patapèteries contrephysiques, Cahiers du Collège de Pataphysique n°1, 8/9, 11, 15, et Dossiers du Collège de Pataphysique n°28.
  • La Méthode à Mimile : l'argot sans peine, (avec Alphonse Boudard) Jeune Parque, Paris, 1970.
  • Les jeux du langage chez Lewis Carroll, Cahiers de l'Herne n°17, 1971
  • Palindromes bilingues. Cymbalum Pataphysicum. 1984.
  • Hommage à Luc Etienne, K7 audio. Cymbalum Pataphysicum. 1990.
  • Les après-midi d'un magnétofaune, K7 audio. Hors commerce. 1981.
  • Présentation dans Le petit Archimède n°55-56, février 1979
  • Adam et Eve en palindromes, Bizarre n°8. Hors commerce.
  • Art du palindrome phonétique : Bibliothèque Oulipienne n°27 1984
  • Poèmes à métamorphoses pour rubans de Moebius, Subsidia Pataphysica n°15 1973 et Littérature Potentielle Gallimard 1973
  • Sonnet à triple sens d'Adoré Floupette : Organographes du Cymbalum Pataphysicum n°11, 1979
  • Textes à expurger. Oleyres 1984.
  • Limericks. Oleyres 1984.
  • Limericks : Monitoires du Cymbalum Pataphysicum n°27 1993
  • Triptykon. Collège de 'Pataphysique. Hors commerce. 1953 (19 phalle 80)
  • Le petit Archimède n°59-60 (1979) Le trio des paradoxes.
  • Le petit Archimède n°64-65 (1980) : Charade à tiroir sur le nombre Pi
  • La polka des Gidouilles, branle ombilical pour cornet à piston Collection Euterpe et Polyhymnie (85 EP)
  • Le Porc : (Chansons de notre temps), parole de Raymond Queneau, musique de Luc Etienne Editions Heugel.
  • Plaisir de Franck. Cahiers du Collège de 'Pataphysique n°1, sous le nom de Nicolas Cromorne.
  • Asphyxie et aération : sornettes à sonnettes Atlas de littérature potentielle Gallimard 1981