El Desdichado (le déshérité)

Exercices de style basés sur la réécriture du célèbre sonnet de Gérard de Nerval
(Travail initié par Pascal Kaeser à l'occasion du festival In folio, tenu à Genève, du 15 au 18 octobre 2000).

Quelques exemples en ligne

Ne manquez pas la version signée Panzani-Lustucru

A la suite de l'original ci-dessous on trouvera quelques unes des 43 versions signées AZ, parmi la centaine émanant de Patrick Flandrin, Nicolas Graner, Pascal Kaeser et Gilles Esposito-Farèse auxquels se sont joints après le festival quelques membres éminent de la liste Oulipo ( Didier Bergeret, Edmond Robaye, Elisabeth Chamontin. Frédéric Zgud, Jean Fontaine, Olivier Gillet). Sans compter le magnifique sonnet palindrome de Jacques Perry-Salkow.

"Je suis le ténébreux", signé par Camille Abaclar vient de paraître chez Quintette. Le recueil rassemble 101 variations sur le thème du Desdichado.

Original : El Desdichado (le déshérité)

Je suis le ténébreux, - le veuf, - l'inconsolé,
Le prince d'Aquitaine à la tour abolie :
Ma seule étoile est morte, - et mon luth constellé
Porte le soleil noir de la Mélancolie.

Dans la nuit du tombeau, toi qui m'as consolé,
Rends-moi le Pausilippe et la mer d'Italie,
La fleur qui plaisait tant à mon coeur désolé,
Et la treille où le pampre à la rose s'allie.

Suis-je Amour ou Phébus ?... Lusignan ou Biron ?
Mon front est rouge encor du baiser de la reine ;
J'ai rêvé dans la grotte où nage la sirène...

Et j'ai deux fois vainqueur traversé l'Achéron :
Modulant tour à tour sur la lyre d'Orphée
Les soupirs de la sainte et les cris de la fée.

Gérard de Nerval

Desdipatos

Contrepet : El Desdidocha (le désir été)

Je suis le très benêt, - le Veuf, sain, long, collé,

Le pince d'A qui traîne à la bourre au lit tas
Ma seule moelle est torte, - et mon long cul lesté
Sorte le loir nos payes de l'Amélie collant

Dans l'anneau du ton buis, Toi qui les consommas,
Pends-moi le rôt Silippe et la mire délita
La fleur qui plaisantait à mon corps de scellé,
Et la trouille et le Prose, à la lie près, salant.

Suis-je à mousse ou Fébur ?... Burignan ou Lison ?
Mon Front est courge en or du bérêt de la Zen ;
J'ai roté dans la grève où nie la reine sage...

Et j'ai, foi de vingt cons, traversé l'acquéreur :
Modulé tour à tour, faon sur la lyre d'Or
Les fers saints de la soute et les cris de la pie.

Ernard de Jave

Géographique : Delle Hesdin Bachos

Suisse Lège d'Evreux, d'Elbeuf ou Condolet,
Leuc Prince de Fontaine, de La-Tour, de Folies
Poiseul L'Étoile, Aigues-Mortes, Ermont, Luc, Castellet
Portes à Soleilhas Andelat et Sully

Dance Nuits du Tombeau, Toi Quie, Codolet,
Moirans* le Saint-Yliph et Laz Mère de Galy
Feurs Quie Plaisia Thaon, Domqueur de Cholet
Eth La-Treille où Rubempre Oo Valrose Sully.

Saint-Amour Houx Pétrus ?.... Frontignan ou Chinon ?
Domfront est Rouge en Corps du Baissey de l'Areines ;
Gets** Trévey dans la Brottes, Arnage et Chantereine

Hagedet Foix Vaincs Seur Traversères et Ablon :
Meaux du Lent Tours à Tours La-Neuve-Lyre de Fey
Ley Soupir de Laas Saintes et Crissey de Laffrey.

Guérard de Merva

* Inversion de mauvais aloi et de mauvais goût, comme le reste d'ailleurs, mais il faut Osée comme dit le prophète.
** Licence politique : la commune se nomme Les-Gets

 

Occitan : Lou sandon (Traduction occitane très libre.)

Estous an Ténébro, - an Veu, - an méconsoul,

An archi des soudouest qué sa tour benaboul :
Mou niquos Stella clamps, - et mou lout y consteul
Pourte an Souli negro doul Maelsteul.

En la noï du Tombreau, Tou qui me boussolé,
Rend mé le Beau Philippe* tadla mère d'Athalie,*
Quête fleur cou plussez t' au massour mausolé,
Et la breille hen le cancre hen la prose salie.

Sous-jimour ou pipraj ?... gnasilu ou belen ?
M'etron ousta rota del bizou del jehene ;
A pensu des Erotte ousque tremp el pisce...

Ousta moult agagnu uplou dam Anequempis :**
Iuolur an tillur parmelage aboné
Suspiracion du gra hen hurlos den magré.

Grados de Novilladous

Note du traducteur :

Il faut excuser le traducteur qui a appris l'occitan tout seul avec un dictionnaire uniquement occitan-français, par une méthode accélérée (L'occitan an tre dious). Travaillant jour et nuit seul le café de Vic-Fezensac (variante occitane de l'irish coffee) lui permit de tenir.

Notes de l'éditeur :

* Le traducteur a hésité, ne connaissant pas le Pausilippe, mais il a osé un enjambement douteux.
** Manifestement le traducteur est à cran et ne tient que par le café.

Note sur la prononciation :

Le u se prononce ou comme dans mou, en fin de mot ou se prononce aou comme dans maousse. Gn est mouillé. G est sec. J final = ï. Toutes les finales s'entendent.

Calembourgeois : Aile des dix chapeaux

Description calembourique d'un Être déshérité, fabriqué de pièces rapportées aux allures animales et végétales, habillées d'étoffes colorées à double sens, lequel fut construit en maints lieux par le générateur d'équivoques d'un faux-abbé fatigué.

Je suis ténébreux d'Houilles,

Je suis veuf de pigeon,
Inconsolé de poule,
Et prince Monseigneur à la tour Magne à Nîmes.
Mon étoile de jute est morte Adèle,
Et mon anaco luth est con comme un balai stellé de coco*
Porte au Vecchio
Le soleil de plomb noir de geai
De ma mélancolie de vin.

Dans de loup la nuit du hibou
Du tombeau, lérot de Ravel
Toi l'amatla qui m'as l'autre eu, consolé Pidoptère
Rends-moi le de boeuf, le Pausilippe oh ! campe
La mer d'Athalie quête ;
La fleur de nave qui plaisait tant à cul-de-porc**
La treille où le pampre à l'ognan s'allie Monade.

Suis-je amour, melon ?... lusignan ou biron de jambe ?
Mon front est rouge et de l'Isle, encor de chasse de la reine des prés ;
J'ai rêvé, Ronèse, dans la grotte à Sion où nage d'écrevisses
La sirène Annie...

J'ai deux fois de canard
Vainqueur de laitue
Traversé tassé l'achéron ce veau
Modulant joue démon sur la lyre d'Orphée des râles
Les soupirs aux mânes de la sainte éthique
Et les cris Nocéros de la fée des rations.


Et c'est ainsi que tous ces faits néants ont feinte faim de fin comme un limier pour trouver un demi-cent de calembours.

Alnachard Nerskimot

* le balai aussi.
** noeud de marin.

Sonnet palindrome de Jacques Perry-Salkow

Ô BOBO !

Noir, benêt, nu l'été tel un ténébrion,

Noir ou quel bistre vu ou vert si bleu qu'Orion,
Élu à Pau Nevers Ys, revenu à Paule,
Élu aimé jeté, ô poète ! je miaule.

L'Italie vêle bleu. Quel bel éveil a-t-il,
L'innomé dérivant navire de mon Nil ?
Et le cellier tenu à une treille celte,
Et le val au bétel, l'été bu à la velte ?

Ni l'âcre si abrupt et pur baiser câlin,
Ni avares ni âme : demain sera vain.
Semi-auteur, ô mâle ! la morue tu aimes.

La vertu, odeur, cri ! Ah chair crue d'outre val !
L'Avre. Neige. Le lac. À l'élégie, Nerval !
Sème opium, arioso, soir amuï, poèmes !

L'arène. Gérard, rare général.